Fin 2016, je vous parlais d’un nouveau morceau de musique composé par une intelligence artificielle pour ressembler à un morceau composé par les Beatles, appelé Daddy’s Car. Peu d’entre-nous, on cru à l’avenir de cette technologie, un peu plus d’un an plus tard, c’est un album complet composé par une ia qui voit le jour. C’est à François Pachet, chercheur en intelligence artificielle chez Spotify et directeur de Flow Records que l’on doit cet album.
Comment ça marche concrètement ?
Pour commencer, le musicien propose à l’intelligence artificielle, ici, la Flow Machines, ses inspirations, influences et directives. L’IA va alors analyser toutes ses informations et faire des propositions de compositions.
Elle est capable de repérer plus de régularités que les êtres humains. L’IA génère alors des mélodies, des harmonies, ou des voix que l’artiste peut modifier au fil de la collaboration. L’intelligence artificielle ne remplace donc pas le compositeur mais l’assiste. « Pour qu’il y ait une œuvre d’art, il faut une intention, une envie, un moteur, c’est l’artiste qui fait ça, mais il va être aidé par la technologie », précise le scientifique à l’origine du projet.
Du plagiat ou de la création
A la base, il a fallu collecter des milliers de morceaux de musique et faire travailler un modèle mathématique de probabilité (des chaînes de Markov) pour permettre de générer de façon aléatoire des mélodies. L’artiste peut ainsi demander à Flow Machines de sortir un morceau « à la » Jean-Jacques Goldman. La machine va puiser des motifs récurrents dans les chansons de Goldman et les recombiner. On reconnaîtra le style de l’auteur sans que le résultat soit du plagiat.
L’artiste écoute le résultat et conserve ou non les propositions de l’IA qui vont se servir de base à la partition. L’artiste reste donc aux commandes.
« Certaines paroles ont été générées, d’autres écrites, des voix et des instruments sont artificiels mais d’autres ont été enregistrés en studio ».
Après la révolution du synthétiseur dans les 80’s, c’est l’heure de l’IA
Pour le concepteur du projet, « de la même manière que le synthétiseur a révolutionné la musique dans les années 80 », l’utilisation de l’intelligence artificielle « est la prochaine étape dans l’évolution des outils d’aide à la création musicale, et va « produire des environnements très nouveaux et stimulants ».
Autre analogie avec les années 80, où il était de tradition pour un développeur d’utiliser « Hello World » comme message de test pour initier un programme, le titre de l’album porte ce même texte.
Un album – 15 chansons – 15 artistes et une IA
L’artiste le plus connu ayant participé au projet, c’est Stromae accompagné de la chanteuse Islando-canadienne Kyrie Kristmanson. Le morceau « Hello Shadow » avec Stromae est très inspiré de musique cap-verdienne aux au rythmes dance. D’autre morceaux sont inspirées de Bossa-Nova, des chansons Pop, des musiques jazz. Quinze chansons pour quinze histoires complètement différentes ».
Pour Stromae « C’est le même passage qu’entre la musique organique et la composition électronique. C’est ouf. Demain c’est sûr, on fera tous de la musique comme ça », se confie-t-il.
Et demain ….
L’évolution de la technologie pourrait être plus spectaculaire encore. Une version où la Flow Machines créerait ses propres mélodies, un peu à la manière de l’IA AlphaGo de DeepMind qui a fini par cesser de s’inspirer des parties jouées par de vrais champions de Go. En apprenant seule, elle s’est finalement montrée plus performante et novatrice dans ses combinaisons et stratégies.
Imaginer le jour où la machine se montrera plus originale et créative que l’homme dans le domaine de la musique ?
[Podcast] : Hello World, un album composé par une intelligence artificielle